Objet du mois
Estampe – La Punition du cerf-volant
Estampe : feuille du Chinsetsu Yumiharizuki de Kyokutei Bakin (1767-1848)
Katsushika HOKUSAI (1760-1849)
Japon, vers 1807-1811
Gravure sur bois
H. 22,3 cm ; L. 28 cm
Inv. 17052
Fermeture exceptionnelle du musée le 25 décembre et le 1er janvier.
Merci de votre compréhension.
Rassemblées sous le prisme de l’histoire des représentations du fait aérien, les collections graphiques du musée de l’Air et de l’Espace sont d’une richesse et d’une diversité notables. Constitué de plus de 3000 feuilles, le fonds d’estampes et d’imprimés compte sept gravures japonaises, datant de 1750 à la fin du 19e siècle, partageant un motif commun : celui du cerf-volant.
Parmi elles, une feuille, gravée par le célèbre Katsushika Hokusai (1760-1849), est issue du Chinsetsu Yumiharizuki (Le Croissant de lune : un conte étrange) de Kyokutei Bakin (1767-1848), l’un des plus importants auteurs japonais de l’époque d’Edo. Le chapitre du cerf-volant se situe dans le troisième volume de la deuxième partie du recueil publié entre 1807 et 1811 et narre les mésaventures de Tomowaka, fils de Tametomo. Tenu pour responsable d’avoir brisé la flûte ancestrale de son père en la laissant tomber, le garçon se voit, en punition, ligoté à un cerf-volant que les vents emportent de l’autre côté de la montagne. Des signaux de fumée apparaissent à l’horizon, indiquant l’arrivée de l’infortuné voyageur des airs ; ils sont adressés à son père par Tokikazu, une personne de confiance, représenté sur la partie gauche de l’image. En poursuivant la lecture du chapitre, on apprend qu’il s’agissait d’une ruse du chef de famille pour éloigner son plus jeune fils de la bataille à venir. Correspondant au genre romanesque du yomihon, cet épisode illustre la grandeur morale de la classe des guerriers.
Le montage de la feuille, par collage médian de deux feuillets, est propre aux images découpées dans un ouvrage puis recomposées avant d’être dispersées. La finesse du papier japonais utilisé pour les ouvrages de cette époque ne supportait en effet pas un encrage recto-verso : chaque illustration était donc répartie sur la moitié de deux feuillets pliés en deux pour correspondre au format du livre.
La présence de cette estampe dans les collections témoigne du souci constant de collecter toutes les représentations relatives au fait aérien, sans limite de temps ni d’aire géographique. L’usage du cerf-volant étant particulièrement important dans la culture japonaise – l’un des personnages du roman mentionne d’ailleurs leur emploi militaire pour l’observation, avant leur transformation en pratique ludique – il apparaît pertinent que ces représentations figurent dans le répertoire iconographique du musée. Acquis en 1984 lors d’une vente aux enchères publiques, l’ensemble des sept estampes ukiyo-e (terme désignant les « images du monde flottant » de la période d’Edo), caractérisées par une construction plongeante et dynamique de l’image, une ligne d’horizon surélevée et la saisie d’un instant furtif, se distinguent par leur finesse d’exécution, leur excellent état de conservation et le témoignage qu’elles portent de la culture japonaise de la fin du 17e au début du 19e siècle.
Nous adressons nos vifs remerciements à Sarah E. Thompson (Ph.D., Curator Japanese Art, Museum of Fine Arts, Boston), actuellement en préparation de l’exposition d’un exemplaire complet du Chinsetsu Yumiharizuki en mars 2023, et à Rena Nishihashi (Paris) pour leur aide précieuse dans l’identification de cette œuvre.
Texte : Juliette Maridet
Illustrations : Vincent Pandellé / Juliette Maridet